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L'homme qui arrêta le désert

Bonjour,

 

Aujourd'hui nous allons à la rencontre de la plume de Damien Deville qui nous conte l'histoire de Yacouba Sawadogo mais pas seulement.
Géographe et anthropologue, il nous partage l'histoire de Yacouba, mais aussi les maux et des richesse de l'Afrique et notamment du Burkina Faso.

 

Nous découvrons principalement dans cet ouvrage comment, à cause de l’industrialisation - de l’agriculture intensive - des produits chimiques - de l’urbanisation, les lacs se sont asséchés, comment la terre s’est appauvrie, comment des forêts autrefois luxuriantes sont devenues des sols de sable, comment des villages ont été désertés...

 

Aucun pays ni continent n’est à l’abris de ce triste sort, il existe bien des solutions pour redonner vie à la terre, coeur de toute vie; bon nombre d’hommes à travers le monde, partagent leurs savoirs afin de réanimer ce qui a été détruit par d’autres hommes.

 

Yacouba fait aujourd'hui parti de ces hommes qui transmettent oralement. Paysan Chercheur, Soigneur traditionnel, il est un sage dont nous avons tout à apprendre.

Il s’est instruit auprès des anciens, de son maître coranique et de cheikhs (chef tribal) mais aussi auprès de la nature qui lui parle souvent et qui l'a longtemps challengé.

Guidé par la foi il a su faire face aux obstacles, ne baissant ainsi jamais les bras, petit pas par petit pas, coup de bêche après coup de bêche, pierre après pierre.

 

Ancien marchand, il a été témoin de l’assèchement des terres de son pays.
Voyant les paysans de son village partir, abandonner la bataille contre ce désert qui s’intensifiait, il décide du jour au lendemain de tout essayer pour rendre vie à sa terre.

Yacouba a du faire preuve d'une grande patience, d'une observation rapprochée de la nature. Sa détermination a été la clé de ce qu'il récolte aujourd'hui.
Les épreuves n'ont en rien entaché son courage : la douleur du corps, le mépris des villageois pour ces méthodes, la sécheresse qui ne cessait de faire rage, il savait que ces sacrifices paieraient, du moins il ne semblait pas se poser la question : cela devait fonctionner.

 

Je vous laisserai lire le livre pour découvrir ces méthodes, mais elles semblent si "logiques", si "simples d'accès (mais parfois difficiles à mettre en place car il faut beaucoup de force et d'obstination), que l'on se demande, comment est-il encore possible, en 2022, avec toutes les connaissances actuelles mêlées aux savoirs ancestraux, que nous arrivions encore à observer des kilomètres de terres sèches et désertes, appauvries par l'agriculture intensive.

L'auteur ne nous raconte pas seulement dans ce livre l'histoire de Yacouba, mais elle représente très bien ce qui se passe pour bon nombre de peuples du continent africain : désertification des villages, urbanisation, appauvrissement des terres (sans oublier les guerres ou encore les traces persistantes de colonisation...).

 

Dans ces pages nous faisons aussi la connaissance du gardien des baobabs (lui seul communique avec eux et les consulte régulièrement), à travers ces mots nous apprenons, entre autre, comment l’Asie fait main basse sur les anciennes terres verdoyantes et majestueuses pour les transformer en champs de canne à sucre … 

 

A travers ce livre d'une centaine de page seulement, nous en apprenons tellement sur ce qui se passe au Burkina Faso mais aussi bien ailleurs, car tous ces maux ne sont pas isolés, ils se répandent rapidement à travers le continent, à travers le monde...

 

Cette lecture m'a fait beaucoup réfléchir sur mes projets, ce que je souhaite vraiment.

Je ne cesse de vouloir me rapprocher de la terre, tout en voulant rester près d'une ville (écoles pour mes filles, soins médicaux etc... ce que cherche chaque être humain au final... la base, le savoir et le soin), je rêve d'un monde ou tout serait accessible au fin fond de la Creuse sans m'inquiéter du lycée de ma grande fille, ou de savoir si je pourrais trouver un hôpital à moins d'une heure de route de chez moi.

Car dans ce livre il s'agit bien de petits villages d'Afrique, mais il en est de même pour nous, ici en France. Tellement de villages désertés, tellement d'opportunités de faire re-vivre des maisons et des terrains abandonnés... mais non, l'homme construit encore et toujours, en hauteur en largeur. On détruit un jardin, une petite forêt pour y "planter" un nouveau lotissement ...

C'est la triste réalité d'aujourd'hui ... et pourtant je suis convaincue que l'avenir est la décroissance ... car au final la croissance ne va que dans les poches de certaines personnes... 


Les mains dans la terre, les yeux vers le ciel, nous devons et pouvons tous construire nos forêts à l'image de celle de Yacouba.

Son histoire est un bel exemple de résilience et de communion avec la nature (végétal, minéral et animal), son savoir et sa sagesse acquis dans la douleur, la sueur, l'humilité sont une leçon de vie à laquelle nous devrions plus souvent penser pour revoir nos modes de fonctionnement...

 

Avant de terminer cet article (oui car je me suis emballée, il y a tant à dire, tant à construire autour de ce que nous apporte ce livre ...), je souhaitais vous faire part du magnifique conte burkinabé qui a tout enclenché dans l'esprit de Yacouba, je suis littéralement tombée amoureuse de cette histoire.

 

La grande assemblée des arbres

Un conte se transmet sur plusieurs générations dans la savane du Burkina Faso.

« Dans des temps anciens, les arbres peuplaient des étendues infinies et savaient marcher sur la terre. De temps à autre, ils se retrouvaient en grande assemblée et parlaient le vieux langage. Une nouvelle arrivée sur Terre, la dernière d'une grande lignée, avait motivé une assemblée exceptionnelle. Les premiers bébés humains naissaient, et les arbres se proposaient de devenir leurs parrains et marraines. Profitant d'un soleil au zénith, ils se réunirent dans une clairière, où de gros rochers en cercle conviaient à la tenue du dialogue.

Le cercle des géants était parcourus par des abeilles, des papillons, et des pétales de fleurs soulevés par la brise. Amicaux comme ils le sont, les grands arbres étaient joyeux, ils riaient, rêvaient à ce qui ferait le meilleur de demain, heureux d'offrir aux nouveaux venus un don, une qualité, une compétence. Le plus âgé des arbres, et sûrement l'un des plus sages, connu de tous pour savoir les secrets du feu, de la vie et de la mort, du ciel et de la terre, ouvrit la séance. Ses racines s’enfonçaient dans le sol fauve, et cherchant dans sa voix une certaine solennité, il débuta : "Ces nouveaux êtres vont aller et venir sur les reliefs de la Terre, monter au ciel et redescendre toujours plus nombreux. Puisqu'ils sont nos petits frères et nos petites soeurs, j'aimerais que chacun de nous leur offre une ou plusieurs qualités.

Avec elles, ils sauront marcher, ils sauront penser. Pour ma part, le moment venu, je sacrifierai l'une de mes branches, pour les initier aux arts du feu."

- Ils auront besoin de la beauté, qu'elle les touche, dit le fromager. La mienne est à eux.

- Force et connaissance, tonna le baobab.

- J'offre la paix et la douceur, fit timidement le bougainvillier.

Encouragés par les déclarations des uns et des autres, les arbres levaient leurs branches comme des mains d'écoliers, sous le regard généreux du grand soleil des savanes.

- Qu'ils soient hommes et aussi femmes, chanta le candélabre, c'est par la différence que l'humanité sera belle!

- Qu'ils aient du plaisir à l'entraide, lança l'acacia.

- Une bonne intelligence avec la terre, ajouta le manguier. Je leur montrerai l'art des noyaux et des graines.

Les dons se multiplièrent ainsi la journée durant : la droiture et le courage, cadeau du néré, et l'élévation, celui du kapokier. Puis la délicatesse de l'avocatier, l'unité de l'acajou, l'amour du neem, la liberté du palmier, la justesse et la tolérance du kaïcedrat, la noblesse du tamarinier. Ensuite, le jujubier accorda la fluidité et la souplesse, le karité donna la sagesse des plantes, le goût du beau par les eaux florales et les huiles, la myrrhe et l'encens. Pour conclure, l’hévéa fit don aux êtres humains de l'art de rêver.

Les étoiles commençaient à scintiller dans le ciel, tandis que les arbres achevaient le tour de ce qu'ils souhaitaient offrir. Toutefois, avant que l’assemblée ne se disperse dans la paix du soir, un arbre introverti et peu entendu jusqu'alors prit la parole : "Je donne la persévérance et la confiance, deux piliers essentiels à une vie libre et belle. Amis des forêts et des savanes, nous voilà liés à tout jamais aux jeunes créatures. De nos fibres, de nos bois, nous leur offrirons tissus et charpentes. Nous leur donnerons aussi notre souffle.

Le temps est venu d'aller nous planter sur cette terre, d'être leurs repères vivants, une canne pour le fébrile, une épaule pour le timide, un guide pour l'aveugle.

Désormais, nous communiquerons entre nous par la voie des racines et par celle de la canopée. Nous serons plus silencieux, mais ceux dont l'âme brille sauront nous voir et nous entendre. Une nouvelle vie pour nous commence."

- Et s'ils perdaient nos vertus ? s'inquiéta le manguier.

Nous en souffririons, répondit l'arbre timide.

- Nous souffririons beaucoup, admit le grand ancêtre des arbres. Mais ce jour-là, quelqu'un saura lire dans nos écorces brûlées et nos feuilles asséchées l'origine du mal qui les ronge. Et peut-être nous guérira-t-il. Nous sommes liés, notre propre nature est en eux, notre futur est dans leurs cœurs et nos troncs sont noués de patience. Ce que nous leur donnons aujourd'hui trouvera un jour son expression. »


Difficile de trouver le juste mot de la fin après ce magnifique conte ...

 

Si ce n'est ... privilégiez la VIE, toujours, tout le temps.

 

 

L'homme qui arrêta le désert , l'hisoire de Yacouba Sawadogo par Damien Deville aux éditions Tana éditions

15, 90 euros 

Livre imprimé en France 

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